Un nouvel et court article pour faire suite à une réflexion de ce matin, en observant une bonne cavalière, expérimentée, aux prises avec sa jument sur une demande pourtant simple : Celle d’avancer. Observant la cavalière se débattre avec sa jument qui refusait manifestement de se mettre en marche, je fus pris d’une réflexion tombée comme une évidence : Il y a 2 catégories de cavaliers.
En un mot, c’est très simple :
Il y a l’ancienne et la nouvelle manière.
Anciennement, nous avions des cavaliers qui ne s’écoutaient pas et faisaient une confiance aveugle à leur coach pour appliquer les consignes à la lettre sans se poser trop de questions. C’est la manière du « c’est comme ça et point barre ». Ou du « arrêtes de réfléchir tu vas te faire des noeuds au cerveau ». Ou bien du « mets lui un bon coup de stick aux fesses et qu’on n’en parle plus ». Ça c’était l’ancienne manière.
Et la nouvelle manière? C’est exactement la même! A une seule et grosse différence près : La contrainte et l’action partent d’un mouvement intérieur. Elle n’est plus imposée par un cadre rigide et (Patriarcal? Militaire?) posé de l’extérieur, qui s’impose comme une norme que l’on doit appliquer sans se poser de question. Les cavaliers d’aujourd’hui ont une nouvelle demande, un nouvel élan : Ils s’écoutent de plus en plus.
Quelle différence alors si cela revient au même?
Les individus veulent aujourd’hui s’approprier la règle. Déjà ils veulent comprendre. Ils ne veulent plus appliquer bêtement ce qu’on leur ordonne sans comprendre comme des bons petits soldats. Ensuite, il veulent sentir que cela est juste pour eux. Enfin, ils ont besoin d’être entendu et accueillis dans leurs ressentis et émotions, dans leur sensibilité.
Dès lors, doit-on s’étonner du vaste mouvement en faveur du bien-être animal? Bien sûr que non, et il va de pair avec un nouveau mouvement en faveur du bien-être humain. Une sorte de mouvement d’émancipation, de sortie du cadre rigide imposé comme une norme, pour évoluer vers un nouvel espace de liberté dans lequel chacun devient légitime dans ses ressentis et sa vision du monde. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons plus partager d’objectifs communs ; Ni que les anciens objectifs sont devenus caducs ou obsolètes! Cela signifie simplement de :
- Laisser un peu plus de place à l’écoute et au dialogue.
- Cela peut demander aussi qu’un accompagnement ponctuellement un peu plus individualisé soit mis en oeuvre.
- Cela signifie également d’apprendre à construire de véritables bases saines dans le travail et de ne pas vouloir courir avant de savoir bien marcher (« éthologie » et travail à pied??).
De nouvelles difficultés
Car cette nouvelle génération de cavalier (phénomène sociétal?) se confrontent à de nouveaux problèmes. Comme ils ont ouvert une brèche dans l’écoute d’eux-même (entendez, ils comment à se mettent à l’écoute de leurs émotions), ils font face à de nouveaux challenges, comme par exemple le fait de devoir appliquer une contrainte à un animal. En route vers la réconciliation avec leur propre sensibilité, ils deviennent conscients de la sensibilité de l’autre. Dès lors qu’est-ce qui justifie la contrainte qu’on lui impose? L’usage de la contrainte est un exemple de sujet très fréquent et il y en a d’autres…
En fait, dès lors que l’on ouvre une porte vers soi-même, c’est le début d’un véritable cheminement dans une jungle d’émotivité. Une jungle ou d’ailleurs un simple bosquet, voire une prairie verdoyante (je me permets le doute 😉 ) suivant la personnalité et l’histoire de chacun. Et au détour de chaque chemin, l’autre nous confronte à nous-même.
Le cheval, cet être super sensible, est révélateur d’obscures part de nous qui ont besoin d’être « guéries »
J’emploie à dessein le terme de « guéries », car c’est bien ce dont il s’agit. Alors qu’anciennement on demandait que « les problèmes restent à la porte du manège » (refoulement), aujourd’hui le bons sens voudraient peut-être qu’on leur ouvre la porte. (Thème du prochain article). Mais cela sous-entend que le professionnel au milieu du manège soit apte à gérer cela. Donc :
- Primo qu’il connaisse les bases du rôle et fonctionnement des émotions (ou « intelligence émotionnelle »)
- Secondo qu’il ait un minimum appris à travailler avec les siennes
Ainsi, quand je dis « guéries », j’entends en réalité qu’elles soient libérées. Et pour être libérées, elles demandent à être entendues. Retenons plus simplement qu’elle soient accueillies plutôt que refoulées brutalement. Car c’est d’une violence inouïe! Qui peut prétendre n’avoir jamais entendu, vécu ou pratiqué cette violence émotionnelle qui consiste à nier celle de l’autre? Et cela qu’il s’agisse de la peur, de la vulnérabilité, voire même de la colère ou frustration, ou même de la peine qui affecte l’autre et dont nous ne savons que faire?
Et pour cette raison, je tiens à féliciter au passage et encourager chaleureusement ces cavaliers de demain qui acceptent de se confronter à leur sensibilité, à leurs émotions, à leurs failles dans leur travail quotidien pour avancer. Je félicite ceux qui montent avec leurs tripes et persistent à garder le coeur ouvert, malgré les blessures de la vie. Je félicite ceux qui se posent des tas de question et se remettent en cause. Et je leur demande de ne pas lâcher, de ne pas abandonner ni de se résigner mais de continuer à chercher, car ce qu’ils cherchent existent bien quelque part, ils ne l’ont juste peut-être pas encore rencontré.
Doit-on alors renoncer à nos ambitions de réussite ?
Non la solution n’est pas de ne plus rien demander, d’arrêter la compétition ou l’entraînement technique plus poussé. Encore moins de laisser les chevaux au pré ou de ne plus les monter pour qu’ils vivent « une vraie vie de cheval ». (Et cela ne demande pas non plus d’attendre d’avoir fait 10 ans de thérapie avant d’avoir le droit de monter sur le dos d’un cheval!) La réponse est définitivement non car il existe une autre voie. Moins radicale, plus dans l’équilibre. Une voie subtile qui demande patience, humilité et force intérieure. Une voie qui nous demande de nous mettre à la hauteur du cheval, du mieux que nous pouvons, pour nous adresser à lui avec sincérité dans un langage qu’il comprend. C’est la voie que j’ai choisie d’emprunter il y a quelques années quand j’ai quitté (un peu trop brutalement, mais c’est une autre histoire) le monde la compétition, pour explorer de nouveaux horizons équestres et non équestres.
Dès lors nous avons besoin de nouveaux outils. Loin de remplacer les outils techniques traditionnels, qui restent toujours autant d’actualité, ils viennent les compléter. Nous avons besoin de nous mettre à l’écoute. Et peut-être de quelqu’un qui soit capable de nous guider dans cette écoute de nous-même pour passer des caps. Car souvent cela ne se joue pas à grand chose! De la sorte les séances deviennent alors un terreau fertile pour l’exploration de soi à travers l’autre, dans un cadre bienveillant et sécurisé.
Et le chevaux dans tout cela?
Ce sont les grands gagnants dans cette histoire. Je dirais même que c’est avant tout ce qu’ils nous demandent pour se sentir bien. Les chevaux sont très adaptables. Ils nous suivent dans tous nos voyages! Même dans les quêtes étrangement humaines et incongrues, loin des vastes prairies herbeuses des origines. Mais pour cela ils nous demandent une chose : D’arrêter de nous comporter comme des machines humaines, coupées de nos émotions et ressentis authentiques!
Les chevaux lisent en nous comme dans un livre ouvert, alors arrêtons de nous mentir, de refouler, d’agir inconsidérément comme un ordinateur sur pattes, ou encore de courir dans tous les sens pour poursuivre des projets insensés et déconnectés du coeur. Faisons l’effort de nous recentrer d’un pas l’espace d’un instant. Apprenons à nous mettre à l’écoute. Osons dire stop quand c’est nécessaire, osons nous exprimer dans qui nous sommes vraiment. Osons briller si cela nous fais plaisir ! Pourvu que cela soit véritablement juste pour nous, à cet instant.
Merci de m’avoir lu et au plaisir d’échanger avec vous sur ces thèmes,
Je vous accompagne avec ou sans votre cheval en séance, stage ou formation,
N’hésitez pas à PARTAGER cet article s’il vous parle,
A bientôt!
Jérôme, Equinexion.